Quelle est la date de la fin des travaux à un projet de construction?

La notion de « fin des travaux » en droit de la construction au Québec est essentielle, car elle détermine plusieurs échéances légales importantes, telles que l’enregistrement de l’hypothèque légale et le début des garanties contractuelles. Toutefois, déterminer précisément la date de fin des travaux dans un projet de construction peut s’avérer complexe. Cet article vise à éclaircir cette question pour ceux qui n’ont pas de formation juridique, mais qui œuvrent dans le secteur de la construction.

1. Pourquoi la date de la fin des travaux est-elle cruciale?

La date de fin des travaux a des répercussions importantes sur plusieurs aspects juridiques d’un projet de construction :

  • Délai pour enregistrer une hypothèque légale de construction : En vertu de l’article 2727 du Code civil du Québec, les entrepreneurs et sous-traitants doivent enregistrer leur hypothèque légale dans les 30 jours suivant la fin des travaux pour garantir leur droit à paiement .
  • Début des garanties : La fin des travaux déclenche le début de certaines garanties légales, comme la garantie contre les vices cachés (art. 2110 C.c.Q.). Il est donc important de bien cerner cette date pour assurer la bonne exécution du contrat .
  • Libération des retenues : Souvent, une partie du paiement est retenue jusqu’à la fin des travaux. Connaître la date précise de cette fin permet de savoir quand ces sommes doivent être libérées .

2. Comment déterminer la date de la fin des travaux?

Il n’existe pas de définition unique et universelle de la « fin des travaux », car cela dépend des circonstances propres à chaque projet de construction. Cependant, des critères établis par la jurisprudence et les règles de droit civil fournissent des directives importantes pour déterminer cette date.

a) Fin des travaux versus acceptation des travaux

Il est essentiel de distinguer la fin des travaux de l’acceptation des travaux par le client. En vertu de l’article 2110 du Code civil du Québec, la fin des travaux survient lorsque l’ouvrage est « en état de servir conformément à l’usage auquel il est destiné ». Cela signifie que les travaux peuvent être considérés comme terminés même si certaines parties sont défectueuses ou non acceptées par le propriétaire .

La jurisprudence a clarifié que l’acceptation des travaux par le client, même avec des réserves, n’est pas nécessairement synonyme de fin des travaux. Par exemple, dans l’affaire Bouchard c. Ébénisterie Jean Dufresne inc., la Cour du Québec a statué que la fin des travaux doit être considérée comme un fait distinct de l’acceptation .

b) Travaux mineurs et malfaçons

Les travaux mineurs qui ne sont pas réalisés à la date prévue peuvent retarder la fin des travaux si ces travaux sont essentiels à l’usage prévu de l’ouvrage【6】. Toutefois, les malfaçons ou imperfections mineures ne retardent pas nécessairement la fin des travaux. Dans Entrepôt International Québec, s.e.c. c. Protection incendie de la Capitale inc., la Cour d’appel a précisé que la fin des travaux est une question de fait, et même si certains éléments sont mal exécutés, cela n’empêche pas la date de fin des travaux d’être fixée .

c) Conformité aux réglementations et ajouts/suppressions

Si les travaux ne respectent pas les normes réglementaires, ils ne peuvent être considérés comme terminés. Dans l’affaire Acier Canam Inc. c. Acier Allco Steel (1969) Ltd., la Cour supérieure a statué que le non-respect des plans et devis initiaux pouvait entraîner un report de la date de fin des travaux .

De plus, des modifications au projet initial, comme l’ajout ou la suppression de travaux, peuvent affecter cette date. Si des travaux additionnels non prévus sont effectués après la date initiale prévue, ils peuvent prolonger la fin des travaux. Cependant, si ces ajouts ou suppressions sont mineurs et ne compromettent pas l’usage de l’ouvrage, ils n’affecteront pas nécessairement la fin des travaux .

3. Projets complexes : plusieurs phases et travaux en attente

Dans les grands projets de construction, surtout ceux qui sont réalisés en plusieurs phases, déterminer la date de fin des travaux peut être encore plus complexe. La jurisprudence a statué que chaque phase peut avoir sa propre fin des travaux si elle est considérée comme distincte . Par exemple, dans Graveline c. Construction Raynover Inc., la Cour a déterminé que pour un projet divisé en plusieurs unités, la fin des travaux est considérée comme atteinte lorsque l’ensemble des unités est achevé .

4. Comment respecter les délais légaux?

Pour éviter tout litige, voici quelques pratiques recommandées :

  • Tenir un journal de chantier : Notez les dates importantes tout au long du projet, notamment celles concernant les inspections et les principales étapes des travaux .
  • Obtenir des certificats de conformité : Assurez-vous que tous les permis et certificats nécessaires sont obtenus à la fin des travaux, pour éviter tout report .
  • Consulter un professionnel : N’hésitez pas à faire appel à un avocat spécialisé en droit de la construction pour vous guider tout au long du processus, notamment en ce qui concerne l’enregistrement des hypothèques légales et la fin officielle des travaux .

Conclusion

La date de la fin des travaux est cruciale pour assurer la bonne exécution des obligations légales dans un projet de construction. Bien qu’elle puisse sembler évidente, cette date peut varier en fonction des spécificités du projet et des travaux à réaliser. La jurisprudence et les règles de droit civil québécois offrent des lignes directrices pour vous aider à déterminer cette date, mais il est toujours recommandé de consulter un professionnel pour éviter tout malentendu juridique.

Références :

  1. Bouchard v. Ébénisterie Jean Dufresne inc., EYB 2009-163227 (Cour du Québec), Grenier, J., para. 95.
  2. Corporation de crédit Adanac v. Turcotte, [1966] B.R. 768; Laporte v. Gagnon, 1971 C.A. 1.
  3. Thibault v. Desjardins Ltée, [1981] R.L. 194 (C.P.); Gosselin v. Houle, [1963] Cour supérieure 143.
  4. Article 2110 C.c.Q.; Corporation de crédit Adanac v. Turcotte, [1966] B.R. 768.
  5. Bouchard v. Ébénisterie Jean Dufresne inc., EYB 2009-163227 (Cour du Québec), Grenier, J., para. 95.
  6. D & S Decors inc. v. Mandravelos, EYB 2006-108565 (Cour supérieure), para. 66.
  7. Entrepôt International Québec, s.e.c. v. Protection incendie de la Capitale inc., 2014 QCCA 617, para. 5.
  8. Acier Canam Inc. v. Acier Allco Steel (1969) Ltd., Reeves, J., J.E. 85-981, AZ-85021408 (Cour supérieure).
  9. Acier Canam Inc. v. Acier Allco Steel (1969) Ltd., Reeves, J., J.E. 85-981, AZ-85021408 (Cour supérieure).
  10. Di Stephano v. Revmet inc., [1993] R.D.I. 137 (Cour supérieure); Houde v. Felx & Fils ltée, [1995] R.D.I. 629 (Cour du Québec).
  11. Graveline v. Construction Raynover Inc., Dalfond, J., [1995] R.J.Q. 3020 (Cour supérieure).
  12. Carreaux Fleury inc. v. Développements Salette inc., J.E. 93-1484, EYB 1993-74694 (Cour supérieure).
  13. V.G. Realties Ltd. v. Province Construction Inc., [1982] C.A. 213.
  14. Pierre CIOTOLA, Droit des sûretés, 3e éd., Montréal, Thémis, 1999, p. 181.

Partager