Qu’est-ce que l’hypothèque légale de la copropriété?
D’abord, l’hypothèque légale du syndicat de copropriété (ci-après hypothèque légale de copropriété) est un privilège qui permet au syndicat des copropriétaires de garantir le paiement des charges communes en utilisant la part de propriété d’un copropriétaire comme garantie de paiement des charges communes. En effet, selon l’article 2724 du Code civil du Québec (ci-après C.c.Q.),[1] les « créances du syndicat des copropriétaires pour le paiement des charges communes » peuvent donner lieu à une hypothèque légale de copropriété.
Selon l’article 2729 C.c.Q., « l’hypothèque légale du syndicat des copropriétaires grève la fraction du copropriétaire en défaut, pendant plus de 30 jours, de payer sa quote-part des charges communes; elle n’est acquise qu’à compter de l’inscription d’un avis indiquant la nature de la réclamation ».
Ainsi, cette définition nous amène à nous demander ce que sont des charges communes et ce qu’elles peuvent inclurent.
Qu’est-ce que des charges communes ?
L’article 1064 C.c.Q. prévoit que chaque copropriétaire doit contribuer proportionnellement à la valeur relative de sa part aux dépenses liées à la copropriété et à l’exploitation de l’immeuble, ainsi qu’au fonds de prévoyance constitué conformément à l’article 1071 du même code. Cet article précise que le syndicat de copropriété doit créer un fonds de prévoyance en fonction des estimations de coûts pour les réparations majeures et le remplacement des parties communes.
L’article 1072 C.c.Q., quant à lui, prévoit que le conseil d’administration, après consultation de l’assemblée des copropriétaires, doit fixer chaque année la contribution de ces derniers aux dépenses communes. Cette décision doit être prise après avoir déterminé les montants nécessaires pour couvrir les charges découlant de la copropriété et de l’exploitation de l’immeuble, ainsi que les sommes à verser au fonds de prévoyance.
Ces articles susmentionnés expliquent bien à quoi servent les charges communes, mais il est important d’analyser la manière dont les tribunaux vont interpréter cette expression afin d’affirmer si les intérêts chargés peuvent faire partie des charges communes et donc, être calculés dans l’hypothèque légale de copropriété.
Comment est interprétée l’expression « charges communes » par les tribunaux?
D’abord, dans l’affaire Desjardins c. Jardins du Parc Jarry – phase 1-B, (ci-après l’affaire Desjardins),[2] la cour affirme que les charges communes doivent faire l’objet d’une interprétation restrictive. En effet, selon cette décision, les pénalités ne constituent « pas des charges communes ni une contribution au fonds de prévoyance. » Ce n’est pas non plus le cas pour des honoraires d’avocats ainsi que des frais financiers.
De plus, selon cette décision, « le fait pour un syndicat d’inscrire dans le règlement de sa déclaration de copropriété qu’une pénalité constitue une charge commune ne lui en confère pas les attributs. »
Il est clair, selon la cour, que si le législateur souhaitait permettre une inclusion de la sorte, des termes clairement restrictifs comme c’est le cas dans l’article 2729 C.c.Q. n’auraient pas été utilisés.
Ensuite, dans l’affaire Castilloux c. Syndicat des copropriétaires du 537, Jacques-Cartier Est, Longueuil (ci-après affaire Castilloux),[3] le syndicat avait inscrit un avis d’hypothèque légale du Syndicat des copropriétaires. Dans cet avis, le syndicat de copropriété a expliqué la nature de la réclamation ainsi que le montant qui doit être payé de la manière suivante :
« Paiement des frais communs et du fonds de prévoyance et autres frais pour la période allant au 5 février 2012 au montant de 4 396, 07$. »
Cependant, Castilloux exige la radiation de l’hypothèque légale puisqu’une partie des montants demandés par la Syndicat et constituant l’objet de l’hypothèque légale « ne sont pas des charges communes ou ne sont pas reliés au fonds de prévoyance. »
La cour, donnant raison à Castilloux rappelle que les frais d’avocat supportés par un Syndicat de copropriété engendrés par un non-respect des règlements de la copropriété par un copropriétaire ne peuvent pas être considérés comme des créances pouvant donner lieu à une hypothèque légale, conformément à l’article 2724 C.c.Q.
En observant les analyses restrictives de la cour concernant les charges communes, il est possible, par analogie de conclure que les intérêts chargés ne peuvent pas être calculés dans l’hypothèque.
Conclusion
Selon l’article 2729 C.c.Q., seules les créances des charges communes peuvent donner lieu à une hypothèque légale de la copropriété.
De plus, suite à l’analyse de deux décisions, il est possible de comprendre que la cour fait une interprétation restrictive de cette expression.
En effet, dans l’affaire Castilloux, le syndicat avait inclus des « frais financiers pour solde en souffrance » et des frais d’avocat engagés par le syndicat. La Cour conclut que ces frais « ne se trouvent pas parmi les créances pouvant donner lieu à une hypothèque légale aux termes de l’article 2724 C.c.Q. ».
De plus, dans l’affaire Desjardins, il est prévu à la déclaration de copropriété que les pénalités qui y sont prévues « seront considérés comme une charge commune due par le copropriétaire contrevenant, de telle sorte que le défaut d’acquitter les sommes dues donnera lieu à une hypothèque légale au bénéfice du syndicat. » La Cour refuse de considérer ces frais comme des charges communes.
Ainsi, en examinant les interprétations restrictives de la cour en ce qui concerne les charges communes, on peut en déduire par analogie que les intérêts appliqués ne peuvent pas être pris en compte lors du calcul de l’hypothèque.
[1] Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, (ci-après « C.c.Q. »).
[2] Desjardins c. Jardins du Parc Jarry – phase 1-B, 2017 QCCS 3417.
[3] Castilloux c. Syndicat des copropriétaires du 537, Jacques-Cartier Est, Longueuil, 2013 QCCQ 1352.